Les territoires de montagne subissent de plein fouet les effets du réchauffement climatique, avec une hausse de température deux fois plus rapide que sur le reste du territoire. Pour aider les intercommunalités et les départements concernés dans leur développement et leur adaptation à la transition écologique, la Caisse des Dépôts a publié une feuille de route de soutien dans six thématiques, avec une enveloppe dédiée de 6 milliards d’euros d’ici à 2030, mobilisée par la Banque des Territoires. La montagne française représente un quart du territoire avec ses neuf massifs (Vosges, Jura, Alpes, Massif central, Pyrénées, Corse, Martinique, Guadeloupe, La Réunion) et 15 % de la population nationale.

Pour construire cette feuille de route, la Caisse des Dépôts a mené une année de concertations auprès de près de 300 acteurs locaux, dont l’association de préservation de la montagne Mountain Wilderness. Les échanges ont abouti à la mise en avant de 75 propositions énoncées dans le document. « Nous travaillerons à définir d’ici le printemps un plan de route massif par massif, car chaque territoire à ses spécificités », indique Elise Migieu, en charge du plan Montagne à la Direction du Réseau de la Banque des Territoires. Les fonds seront répartis : 5,5 milliards d’euros seront alloués en prêts de long terme, 400 millions d’euros serviront à de l’investissement dans des sociétés de projets et 30 millions d’euros serviront à de l’ingénierie.

L’appui des plateformes numériques

Sujet phare pour l’adaptation au changement climatique de ces territoires : l’habitat, qui devrait mobiliser 40 % des aides. Des prêts pour l’acquisition de foncier ou pour de logement communal seront étudiés. Vient ensuite la préservation des ressources naturelles et des sols, deuxième grande thématique. Le financement de projet de renaturation est mis en avant. Dans ce volet, le numérique concourt à apporter des résultats, par ses capteurs de suivi de niveau d’eau ou de l’état de la biodiversité. « La Banque des Territoires a un programme Eau, nous le mettrons mieux en avant auprès des territoires de montagne car nous avons observé des craintes sur les conflits d’usage », explique Elise Migieu. La préservation des ressources naturelles implique par ailleurs de réfléchir à l’aménagement urbain. « Nous travaillons sur les schémas de cohérence territoriale (SCoT). Par les données, les jumeaux numériques permettent de rendre visibles les enjeux et de faire du prospectif », reconnaît Fiona Mille, présidente de Mountain Wilderness France.

Le troisième pilier de la feuille de route porte sur les vulnérabilités, notamment des infrastructures – ponts, routes et tunnels. Cette fois encore, le numérique peut être source de valeur ajoutée dans la prévention des risques, par exemple avec les capteurs de suivi de fissure. « Nous allons créer une plateforme digitale à destination des collectivités pour identifier les vulnérabilités pesant sur les infrastructures », annonce Elise Migieu, qui est en train de « calibrer les besoins pour ne pas proposer une solution redondante, par exemple avec celle du Cerema ». Cela permettrait par exemple d’identifier rapidement les investissements et les actions à mener dans le cas d’une catastrophe comme celle qui a dévasté le hameau et la route de La Bérarde, dans la vallée de l’Oisans.

Outre l’activité économique, quatrième pilier, la feuille de route traite des innovations et des services. La mobilité en fait partie. Fiona Mille pointe le manque d’applications favorisant l’intermodalité sur le dernier kilomètre. L’association s’est attelée à cartographier les itinéraires accessibles en transport en commun sur les territoires de montagne. « Si on ne propose pas de solution alternative, nous ne parviendrons pas à un changement de comportement », martèle-t-elle. La Banque des territoires va financer sur ce volet une expérimentation visant à analyser l’intérêt d’utiliser les navettes de transport de colis de La Poste dans la vallée d’Arve vers Chamonix pour le déplacement de salariés. Une initiative qui, si elle s’avère concluante, pourrait être répliquée dans les autres massifs. Des résultats à suivre…