« On ne peut pas exploiter efficacement des solutions d’intelligence artificielle générative (IAG) sans une stratégie précise encadrant leur déploiement et leurs usages », explique Johan Theuret, Directeur général adjoint du Pôle Ressources de Rennes Ville et Métropole. Dans un contexte ou l’usage de l’IAG se développe massivement dans les territoires, bien souvent en dehors de tout encadrement (Shadow IA), la Ville et la Métropole de Rennes ont analysé les enjeux et les impacts de cette technologie, dans le cadre d’une Mission IA lancée en 2023.
Le premier résultat de cette démarche est la publication, ce mois de septembre, d’un rapport de mission. Il est articulé autour de trois axes : les usages, le cadre églementaire et les technologies. Le rapport dresse un panorama des bénéfices potentiels (gain de temps, modernisation des services, traduction, assistance administrative, accès à la connaissance) mais aussi des menaces : fiabilité des réponses, dépendance aux fournisseurs, fuite de données, consommation énergétique et impact environnemental.
« L’idée de cette publication est de donner une vision à 360 degrés des enjeux de l’IAG dans nos administrations », résume Johan Theuret. Le texte intègre des recommandations de bonnes pratiques, comme : conserver l’esprit critique, vérifier les informations produites, protéger les données sensibles, respecter les droits d’auteur et évaluer la pertinence de chaque usage.
Le rapport, placé sous licence Creative Commons (CC BY-SA), est conçu comme un bien commun. Il peut ainsi être réutilisé par d’autres collectivités souhaitant s’acculturer aux enjeux de l’IAG, précise Johan Theuret.
Formation et acculturation des agents
Plutôt que d’interdire certains outils d’IA – comme l’ont fait d’autres collectivités – Rennes préfère opter pour une démarche pédagogique. Depuis janvier 2025, des campagnes de sensibilisation et des ateliers numériques ont été organisés afin d’accompagner les agents dans leurs premiers usages.
« Nous avons misé sur la formation et la responsabilisation, plutôt que sur l’interdiction. L’objectif est que chacun développe des compétences numériques critiques et comprenne les limites comme les apports de l’IAG », souligne Johan Theuret.
Outre la publication du rapport, une note interne à destination des agents a également listé des recommandations d’usages autour de l’IAG. Parmi elles : « les données transmises à un outil d’IAG doivent respecter le RGPD », « ne pas contenir de données institutionnelles de la collectivité », « s’assurer que le gain d’efficience envisagé ne se fait pas au détriment de la qualité de service rendu et des missions professionnelles », « veiller à ce que le temps passé à utiliser l’IAG pour une tâche ne soit pas plus important que son usage ».
Un observatoire des pratiques de l’IAG
Prochaine étape de la Mission IA : la mise en place, d’ici la fin de l’année, d’un « observatoire de l’IAG ». Il sera chargé de suivre l’évolution rapide de la technologie, de recenser les expérimentations et de nourrir la réflexion collective. Cet observatoire associera les services municipaux et métropolitains, mais aussi des chercheurs de l’Université de Rennes et d’autres partenaires académiques.
Un des premiers chantiers portera sur l’intégration de solutions de type RAG (Retrieval Augmented Generation), permettant de s’appuyer sur des bases de connaissances locales et fiables, plutôt que sur des modèles externes potentiellement soumis à des législations extraterritoriales.
Rennes entend partager tous ses travaux autour de l’IAG, dont le rapport, mais également les résultats du futur observatoire. « L’observatoire nourrira peut-être d’autres éditions du rapport », confie Johan Theuret. « L’IAG soulève des questions sociales, écologiques et démocratiques. Notre ambition est de les traiter de façon lucide, sans céder à la fascination technologique, mais sans ignorer non plus les opportunités d’amélioration du service public », conclut-il.