[Ateliers du Smart Cities Tour] Montpellier : sobriété, inclusion et souveraineté au cœur des territoires connectés
Evènement
il y a 2 heures - par Christophe GUILLEMIN
Numérique responsable et inclusif, équilibre entre innovation et respect des données personnelles, gouvernance des projets de territoire connecté et durable ... Telles étaient les principales thématiques abordées lors de la première étape 2025 des Ateliers du Smart Cities Tour.
Coorganisé par Smart City Mag, la FNCCR et Infranum, en partenariat avec la Banque des Territoires, cet évènement s’est tenu le 9 septembre dernier à l’hôtel de Montpellier Méditerranée Métropole. Une journée d’échanges, de retours d’expériences et d'ateliers où les participants ont également travaillé sur les enjeux opérationnels du cycle de la donnée. Retour en images.
Crédit Photo : Audrey Coppée

Mots d’accueil et discours de bienvenue de Bertrand Blaise, Président de la commission Territoires Intelligents & Durables d'Infranum (au centre), Ariel Gomez, rédacteur en chef de Smart City Mag (à gauche) et de Manu Reynaud, adjoint au maire en charge du numérique à la ville et à la métropole.


« Le projet "Montpellier Métropole Connectée", c’est 40 000 capteurs déployés, dont 130 capteurs dans les écoles (qualité de l’air, température, pression atmosphérique et humidité), du comptage de vélo et piétons, des PAV verre connectés et de la télérelève de compteurs d’eau », a résumé Manu Reynaud, adjoint au maire en charge du numérique à la ville et à la métropole. « En 2023, nous avons également mis en place une stratégie de la donnée et de l’IA. Parmi ses "10 lois" : l’IA doit être utile, sobre énergétiquement et éthique, avec par exemple l’interdiction de la reconnaissance faciale dans l’espace public ».


« Il ne faut pas être naïf, le numérique est un outil de vassalisation de l’Europe, notamment par les GAFAM. L’enjeu de souveraineté numérique est donc majeur », a déclaré Jean-Luc Sallaberry, Chef du département numérique à la FNCCR. Il s’exprimait lors de la première table ronde, qui abordait les thématiques du numérique responsable, souverain et inclusif. « Avec environ 10 millions de Français exclus du numérique, l’inclusion est un autre volet incontournable des projets de TCD. Mais les territoires doivent être capables d’intégrer ses personnes éloignées du digital sans l’aide de l’Etat. Car il faut s’y résoudre, l’Etat n’interviendra plus dans les projets de TCD. Une attention particulière doit donc être portée au ROI de ces projets ».


« Le numérique doit forcément être responsable. Je suis un disque rayé sur ce sujet », a lancé Anne-Claire Dubreuil, Directrice de projets Transformation numérique DGA-Ressources, SICOVAL (communauté d'agglomération rassemblant 36 communes de la Haute-Garonne). « Nous organisons chaque année la semaine du numérique responsable. En 2022, nous avons signé la charte de l’Institut du Numérique Responsable et mis en place une feuille de route sobriété numérique répondant aux enjeux sociaux, environnementaux, économiques, de souveraineté et d’éthique ». Et de préciser également que : « le neuf est souvent moins cher que le reconditionné, mais prioriser ce type d’achat est un choix politique ».


Manu Reynaud, adjoint au maire en charge du numérique à la ville et à la métropole : « pour bâtir en 2023 notre stratégie numérique responsable, nous nous sommes servis de la loi REEN. Parmi les actions concrètes : le double écran pour les agents n’est plus systématique, même chose pour les smartphones professionnels qui ne sont pas toujours nécessaires. Il faut repenser la politique d’achat et d’affectation des équipements informatiques. C’est un des leviers efficaces du numérique responsable ». Il a également évoqué l’outil "Tie Break", développé par la métropole, qui permet d'évaluer la dépendance d’un territoire vis-à-vis de technologies non souveraines sur ses postes de travail. « Nous sommes à 54% pour la ville de Montpellier ».


Emmanuel Mouton, PDG de Synox, société spécialisée dans les solutions IoT et principal partenaire technique du projet Montpellier Métropole Connectée. « Il n’est désormais plus possible de vivre de subventions. Il faut donc développer des projets de TCD avec des modèles économiques viables et pérennes. Un des leviers de rentabilité est la mutualisation. Par exemple, à Montpellier les réseaux de communications sont mutualisés pour les différents usages du projet TCD ». Emmanuel Mouton a également évoqué une autre clé de succès : l’engagement politique. « Sans soutien politique fort, le projet s’épuise ». Enfin, il a listé les cas d’usage qui fonctionnent (économiquement et techniquement) : la télérelève des compteurs d’eau, la mesure énergétique des bâtiments et les PAV connectés.


Eric Ledoux, Délégué à la protection des données de Montpellier Méditerranée Métropole (à droite) : « sur la gestion des données sensibles, il faut aller au-delà de la définition de l’article 9 du RGPD. Car il y a un risque de réidentification avec le croisement de données. Par exemple des données de mobilités anonymes, montrant un itinéraire régulier d’une personne, peut permettre de remonter jusqu’à elle ». Il s’exprimait durant la deuxième table ronde dédiée notamment au respect des données personnelles à l’heure du tout data et de l’IA.
Un avis partagé par Alexis Semmama, directeur général d’Eridanis : « attention, certaines données peuvent devenir "sensibles" suite à leur croisement avec d’autres informations, par exemple l’âge des personnes. Une solution peut être d’utiliser des tranches d’âges (ex : décennie de naissance) plutôt que l’âge exact ».


Sandrine Mathon, chef du service Ingénierie de la donnée, Direction de la Transition Numérique de Toulouse Métropole : « la gestion des données personnelles doit être l’affaire de tous. Il faut que le DPO (délégué à la protection des données) travaille notamment avec les métiers sur cette question. Pour faciliter cette collaboration, le DPO ne doit pas être en censure des projets, mais en accompagnement ».
Christophe Hugon, élu délégué à la transparence et au numérique de la ville de Marseille : « pour concilier innovation et respect des données personnelles, il faut que les projets numériques soient portés par une vision politique. Ils ne doivent pas se résumer à une feuille de route technique. Autrement dit : le numérique doit d’abord être politique et ensuite technique ».


Pierre Brice, Responsable Stratégie Numérique et Sécurité du SI de Montpellier Méditerranée Métropole : « pour faire connaître notre projet Montpellier Métropole Connectée au grand public, nous venons de mettre en ligne un tour de la ville connectée. Cette application affiche déjà huit points de parcours dont un capteur de qualité de l’air dans un école, le comptage de piétons et de vélo sur la voie publique, la surveillance d’un cours d’eau (niveau d’eau) ou encore un capteur de température et d’humidité dans un jardin (îlots de fraîcheur). Pour chaque point, une fiche donne des explications sur le dispositif avec une mise en avant des bénéfices. Nous réfléchissons également à la mise en place d’un lieu présentant ces différentes innovations ». Il s’exprimait à l’occasion de la troisième table ronde dédiée à la communication autour des projets TCD.


Gilles N Goala, Professeur des Universités, Co-Titulaire de la chaire cit.us sur les usages et pratiques de la ville intelligente : « les Français n’ont pas toujours connaissance des projets TCD de leur territoire. Certains élus préfèrent ne pas parler de numérique car ce sujet peut susciter des controverses, notamment sur les données personnelles. Il y a d’ailleurs de grandes chances que le numérique soit relativement absent des prochaines élections municipales. Pourtant, il faut simplement faire preuve de pédagogie et savoir justifier chaque projet. Et cette communication doit être ouverte, en laissant la possibilité aux citoyens de s’exprimer ».


Romain Rocca, Directeur Innovation Numérique et des Systèmes d'information de la ville de Martigues : « les deux principaux volets de notre projet TCD sont l’arrosage connecté et l’éclairage intelligent. Nous avons communiqué dessus dans le magazine municipal et au travers d’évènements organisés sur le territoire avec des citoyens. Mais il reste difficile d’intéresser les habitants, au-delà des technophiles et des experts en numérique. Les autres habitants ne viennent pas, ou peu, aux événements. Il faut donc toucher à l’intérêt collectif et mettre en avant des thématiques concrètes, au-delà du numérique. Il convient également d’expliquer le niveau de protection des données de chaque solution, afin de créer de la confiance auprès des citoyens ».


Manuela Mahot, Cheffe de projets, Pôle Numérique et Donnée de Montpellier Métropole Connectée : « sur la question de la gouvernance des projets TCD nous ne partions pas de zéro, car des expérimentations avaient déjà été réalisées avant le lancement de notre projet Montpellier Métropole Connectée. Mais elles n’avaient pas toujours été menées en collaboration avec les métiers. Il a donc fallu regagner leur confiance, car tout projet de TCD doit être mené avec les métiers. Nous les avons intégrés au projet et nous les avons également acculturés aux méthodes agiles ». Elle s’exprimait lors de la dernière table ronde, consacrée à la gouvernance des projets TCD.


Amandine Terrazzoni, Cheffe de projet LIÀ de la ville de Porto-Vecchio : « j’ai une formation RH ce qui peut aider en matière de gouvernance des projets TCD. Une recommandation est d’avoir de la bienveillance envers les services, qui doivent être impliqués dès le début. Il faut également faire preuve de pédagogie à leur égard et donc avoir une bonne connaissance technique des solutions. Pour notre part, nous disposons d’un comité stratégique, où des agents sont représentés. Cela permet aux agents d’être moteurs du projet, ce qui est une clé de réussite ».


Philippe Sajhau, Directeur de la ville intelligente, de l’innovation et de la donnée de la Ville de Noisy-le-Grand : « avant notre projet de gestion énergétique des bâtiments, baptisé RECITAL, un service innovation avait mené des expérimentations sur la mesure de la qualité de l’air, mais en travaillant en silo, sans intégrer la DSI ou les métiers. Pour favoriser davantage de transversalité, nous avons mis en place des comités intégrant diverses instances dont la DSI et les métiers (comité de transformation, comité de la donnée, comité de l’encadrement). Nous avons également créé le "lundi de la donnée", qui accueille des intervenants extérieurs sur différentes thématiques. Des ambassadeurs de la donnée sont également répartis dans les différentes directions, soit 26 personnes qui se réunissent une fois par trimestre. C’est grâce à cela que nous avons réussi à passer à l’échelle ».


Dans l’après-midi, les participants ont pu travailler sur la thématique du cycle de la donnée au sein d’ateliers organisés par Infranum. En théorie, le cycle de la donnée (collecte, traitement, restitution) paraît simple. Mais en pratique, de nombreux obstacles peuvent le bloquer. L’objectif était donc d’optimiser ce cycle autour de différentes thématiques (gestion de l’eau, mobilités, pollution de l’air extérieur, consommation énergétique des bâtiments), mais en faisant face à des complications. Les participants devaient ainsi tirer des cartes d’irritants (ex : le coût énergétique du stockage de données est plus élevé que prévu) et chercher ensemble à résoudre la problématique soulevée. L’occasion de travailler sur des situations concrètes, en petits groupes, avec une restitution générale des travaux en fin de journée.
