L’électrification, la gestion de l’eau, la structuration des villes et la répartition des ressources doivent être envisagées sous un prisme nouveau afin de garantir la maintenabilité du confort matériel.
L’électricité : Un modèle à réinventer
Le choix du courant alternatif pour l’électrification de New York en 1882 a façonné le monde énergétique tel que nous le connaissons aujourd’hui. Cependant, ce modèle, adopté à l’époque pour des raisons techniques, n’est plus nécessairement pertinent pour l’ensemble des usages de l’énergie dans le contexte actuel. La maîtrise de l’électronique de puissance permet désormais de transporter le courant continu sur de longues distances, et une part croissante de l’électricité produite est en courant continu, notamment lorsqu’elle provient de sources renouvelables ou est stockée sous forme de batteries ou de piles à hydrogène.
L’adoption du courant continu pourrait ainsi réduire les pertes énergétiques d’environ 20 % et les besoins matériels de plus de 30 %, tout en facilitant l’intégration des énergies renouvelables et la gestion de la flexibilité électrique via des micro-infrastructures et des réseaux énergétiques distribués.
La gestion de l’eau : Une ressource à revaloriser
Tout comme l’électricité, la gestion de la ressource en eau doit prendre en compte une plus grande fluctuation avec des épisodes de rareté et d’abondance plus prononcées du fait des dérèglements climatiques. L’eau ne peut plus être considérée comme une simple commodité, c’est une matière première essentielle qui doit être préservée. Un modèle hybride associant des systèmes de traitement centralisés et des solutions décentralisées sont nécessaires pour réduire le recours à l’eau potable. A noter que la réutilisation des eaux grises et des eaux pluviales en milieu urbain est aujourd’hui possible et offre un excellent bénéfice pour les villes, tant pour permettre le développement urbain dans les territoires en tension sur la ressource en eau, que dans la lutte contre les ilots de chaleur par une irrigation constante toute l’année des espaces verts.
Vers des territoires autonomes et résilients
L’électrification croissante des usages (mobilité, data-center) et la digitalisation de nos vies vont bouleverser la structuration de l’aménagement urbain. Pour faire face à ces évolutions, le déploiement de micro-infrastructures est inéluctable (ilots, quartiers, villes et territoires). Ces systèmes locaux de production, d’autoconsommation et de stockage vont offrir plus d’autonomie et de résilience, garantissant à la fois la flexibilité énergétique et une gestion plus efficiente des flux physiques.
Ce modèle distribué doit être soutenu par des politiques locales encourageant le développement de solutions innovantes dans la gestion des coûts des infrastructures de réseaux, favorisant des investissements rentables grâce aux économies générées et structurant une gouvernance adaptée à la diversité des acteurs.
Repenser nos espaces de vie
La transition vers un modèle plus sobre ne concerne pas seulement l’énergie et l’eau. Le parc immobilier vieillissant, les zones urbaines fragmentées et l’évolution des modes de vie (télétravail) imposent une refonte des infrastructures bâties. De nouveaux principes doivent émerger :
• Des bâtiments plus facilement reconfigurables et modulables pour accroître leur intensité d’usages,
• Une électro mobilité partagée et intégrée au bâti, afin d’intégrer les véhicules décarbonés dans l’équilibre de la courbe de charge des bâtiments,
• Un urbanisme repensé sur la base de la « ville du quart d’heure », afin de limiter les déplacements pendulaires en mixant les différents types d’ouvrages.
L’apport du numérique et des technologies avancées
La complexité de ces transformations impose une approche numérique et technologique structurée. D’ores et déjà le jumeau numérique permet d’intégrer des données à l’échelle macro et micro pour optimiser la gestion dynamique des infrastructures et des flux physiques. L’intelligence artificielle et la blockchain vont rapidement devenir des outils clés pour certifier les flux d’information et sécuriser les transactions via des nouvelles formes de relations contractuelles.
Conclusion
Les évolutions en cours dans les domaines de l’énergie et de l’eau annoncent un basculement vers des modèles hybrides, mêlant approche centralisée et solutions distribuées. Cette mutation, portée par une gouvernance locale et une gestion optimisée des ressources, vont constituer la clé pour l’attractivité des territoires et leur durabilité. En mettant en place des structures partagées et adaptées aux besoins individuels et collectifs, la France dispose des atouts pour redéfinir les bases de la gestion des villes et des territoires dans un contexte de contraction énergétique inexorable.