L’intelligence artificielle (IA) devient essentielle dans la cartographie. C’est le message clé qu’a fait passer l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN), jeudi 12 septembre dernier, lors de la soirée de présentation de son atlas « Cartographier l’Anthropocène à l’ère de l’intelligence artificielle ». « Nous voulons éviter le technosolutionnisme mais, face à l’urgence du changement climatique, il nous faut des outils de pilotage d’un type nouveau et l’IA s’avère un levier indispensable pour la transition écologique, énergétique et agricole des territoires », a déclaré en introduction Sébastien Soriano, directeur général de l’IGN. L’Institut a ainsi placé l’IA au cœur de ses activités et s’est doté d’une feuille de route dédiée en février 2022.
Pour maîtriser la technologie, l’établissement public s’est rendu compte du besoin de compétences à acquérir. Un plan de recrutement a permis à 30 ingénieurs spécialisés de rejoindre un nouveau pôle dirigé par Matthieu Porte, coordinateur des activités IA. En parallèle, le sujet a été introduit dans le programme de son école ENSG Géomatique pour résoudre des points techniques. Un exemple : une thèse (conduite par Yanis Benidir) analyse l’utilisation d’IA générative pour générer des images ressemblant à de vraies vues aériennes à des fins d’entraînement d’autres modèles d’IA.
Matthieu Porte reconnaît que la technologie demande également des investissements importants. L’IGN a fait l’acquisition de 15 serveurs de calculs en 2023 pour lui permettre de généraliser l’utilisation de l’IA dans une dizaine de ses productions, telle que l’OCS GE, un référentiel national décrivant l’occupation du sol dont l’IA automatise la détection d’objets comme les habitations sur les images aériennes. Un projet utile aux collectivités pour l’objectif de zéro artificialisation nette des sols issu de la loi Climat et résilience.
Une douzaine de start-up partenaires
L’IA a transformé la manière dont l’IGN travaille et l’a mené à ouvrir ses données en open data. « Les volumes importants de données collectées font de l’IGN l’un des grands pourvoyeurs de données d’apprentissage pour l’IA », affirme Matthieu Porte. Avec 20 milliards de pixels annotés, le jeu de données FLAIR était, lors de sa mise à disposition en 2023, l’un des trois plus riches jeux de données ouverts au monde sur le thème de l’occupation des sols. De même, le dataset PureForest représente le plus grand jeu de données LiDAR au monde sur les essences forestières.
Autre évolution, l’établissement s’ouvre à différents acteurs. « L’IGN a longtemps fait cavalier seul mais l’IA nécessite de travailler en commun, c’est une véritable transformation culturelle pour l’Institut », rapporte Nicolas Paparoditis, directeur général adjoint de l’IGN dans l’Atlas. L'Institut a ainsi créé la Datalliance, destinée à encourager les partenariats publics-privés. L’IGN collabore ainsi avec une douzaine de start-up, dont la deeptech française namR dans le cadre d’un projet de détection du potentiel photovoltaïque des bâtiments par IA, ou encore l’entreprise Kayrros qui a dressé une carte de France d’exposition au danger des feux de végétation.
L’IA devient d’autant plus importante pour l’IGN qu’elle va lui permettre de concrétiser ses prochains projets de grande ampleur et ainsi d’écrire « le futur de la cartographie », comme l’a souligné Sébastien Soriano. A commencer par le jumeau numérique de la France, dont l’IGN, le Cerema et l’Inria ont lancé un appel à communs. L’IA permettra dans ce projet de traiter la donnée, de modéliser des territoires afin de simuler des scénarios (météo, décisions d’aménagement, etc.) et de personnaliser les requêtes. « L’enjeu de l’IGN est de passer de l’offre de cartes géographiques à l’offre d’outils de simulation pour les territoires », a confié Sébastien Soriano. Un nouveau plan de recrutement prévoit l’embauche de 150 nouveaux postes d’ici fin 2024. L’IA n’en a pas fini de développer ses réseaux de neurones dans la cartographie.