Historiquement, le traitement des eaux usées répond à des besoins de santé publique, quand, au XIXè siècle, les médecins hygiénistes font le lien entre l’eau et les épidémies de Choléra. Puis, le principe de boues activées, cœur du traitement, est inventé en 1914. Mais ce n’est qu’en deuxième partie du XXè siècle que le traitement connaît des avancées majeures, pour permettre alors la protection des milieux récepteurs (cours d’eau, mers et océan).
![]() |
Marlène Choo-Kun, Responsable Process Epuration Xylem France & BeLux. |
C’est ainsi que, depuis l’invention du traitement des eaux usées, sa qualité ne cesse de s’améliorer, et avec lui, le niveau d’exigence des normes de rejet : d’abord les matières solides, puis le carbone, l’azote, le phosphore, et aujourd’hui, les polluants émergeants, avec les micropolluants (principalement les résidus pharmaceutiques), et bientôt espérons-le, les microplastiques et PFAS (per-et-polyfluoroalkylées) dits polluants éternels.
En parallèle, depuis les années 2000, la récupération des ressources contenues dans les eaux usées devient également un enjeu : énergie via la production de biogaz par exemple, fertilisants agricoles à travers les boues d’épuration et la production de struvite notamment, et enfin, plus récemment, réutilisation des eaux usées (REUT).
Le traitement des eaux usées, une équation avec toujours plus de variables
Mais, comme en France, « l’eau paye l’eau », il est nécessaire dans le même temps de maintenir un prix abordable pour les usagers. L’optimisation des coûts d’exploitation, la recherche de la neutralité énergétique grâce à une production sur site et l’intensification des procédés permettent des niveaux de traitement avancés, tout en contrôlant le tarif du mètre cube d’eau.
Sans oublier que le traitement des eaux usées émet lui aussi des gaz à effet de serre, et que, pour améliorer leur bilan carbone, les stations d’épuration vont devoir mettre en place des actions pour diminuer ces émissions liées au dioxyde de carbone, au méthane mais surtout au protoxyde d’azote (70-80% des émissions), dont le pouvoir réchauffant est près de trois cents fois supérieur au dioxyde de carbone.
Les solutions digitales, de nouveaux outils d’aide à l’exploitation des usines de traitement
Pour résoudre cette équation complexe, nous avons besoin du pouvoir du calcul mathématique. Il nous aide à prendre les bonnes décisions de manière objective, en prenant en compte ce très grand nombre de critères ainsi que des scénarii futurs et inédits.
Nombreux sont aujourd’hui les acteurs, et j’en suis, à penser que la digitalisation est une aide clef pour le futur du traitement de l’eau. Les solutions numériques vont nous aider à conserver une grande partie des infrastructures existantes, tout en les optimisant et en allongeant leur durée de vie. La mise en place de jumeaux numériques, modèles virtuels conçus pour refléter avec précision un objet physique, couplés à des systèmes algorithmiques d’optimisation, permet de trouver les points de fonctionnement optimaux pour l’usine de traitement. Cela permet de faciliter le quotidien des exploitants, de les épauler dans leur prise de décisions, et de traiter l’eau avec un coût minimisé.
Grâce à ces solutions digitales, il est possible de réduire de plusieurs centaines de milliers d’euros la facture énergétique annuelle d’une station, et d’obtenir un retour sur investissement inférieur à deux ans pour des stations de moyenne taille (+80 000 équivalent-habitants). Au demeurant, les émissions de gaz à effet de serre peuvent aussi être réduites de 90% grâce aux recommandations émises par les systèmes d’optimisation, une nécessité certaine au regard de l’urgence climatique.
Nous ne sommes qu’au début de cette nouvelle ère de la « digitalisation de l’eau », et de nombreux usages restent à inventer, en s’inspirant de pays plus avancés, comme l’Allemagne ou Singapour, qui ont déjà largement amorcé leur digitalisation.
Lire également notre dossier : « Comment le numérique aide à la gestion de l’eau ? », dans SCM N°52.