Des "datas services" urbains tels qu’AirBnb ou Waze existent déjà dans toutes les villes. Pourquoi faut-il en créer de nouveaux ?
Le problème avec ceux que vous évoquez, c’est l’absence de coordination avec les politiques urbaines. Un service de location de logements particuliers n’est pas forcément antinomique avec la politique urbaine. Ça le devient parce que ces plates-formes sont appuyées par des stratégies d’investisseurs, dont l’objectif est de gagner tout un marché sans s’intéresser à la cohérence des stratégies urbaines, sans respecter les charges payées par les hôtels, sans se soucier des conséquences comme l’augmentation des loyers.
Quant à Waze, son algorithme détecte les parcours les plus avantageux pour les automobilistes ; or, ces parcours vont à l’encontre d’une politique de transports et de déplacements urbains. On prévoit une faible circulation dans telle voirie, on construit des rocades de contournement du trafic mais Waze vous dit d’aller tout droit si la rocade est engorgée... Si les automobilistes dictent leur loi en dépit des politiques mises en place, ça devient insupportable pour les gens. Tout cela n’est pas dû à la technologie mais bien à cette stratégie des investisseurs.
Que va-t-on mettre en place dans les quatre villes retenues par le projet DataCités 2 ?
Le projet prévoit de se concentrer, dans chaque ville, sur un service. Antony va se pencher sur la problématique du stationnement urbain, Pompey sur les déchets, La Rochelle travaillera autour de l’énergie et le Grand Poitiers sur la transition énergétique à partir de l’Internet des Objets. L’expérimentation permettra de voir les conditions à réunir pour arriver à convaincre les services d’échanger leurs données et d’y trouver un intérêt - chaque service ne s’intéressant pas à la même dimension des données. L’idée est de trouver une manière de travailler en interne et avec le public. L’objectif est que chaque ville puisse apprendre des autres et qu’ensemble, elles mutualisent une méthode qui vise à améliorer la qualité communautaire et politique.
Comment "encapacite"– t-on les villes sur ces questions-là ?
On observe une asymétrie totale entre les villes et les acteurs du numérique, qui détiennent les données. Et leur capacité à les traiter est bien supérieure, ce qui pose un problème pour les grandes villes, et plus encore pour les villes moyennes. Ces dernières ont très peu d’utilisation de leurs propres données ; il en résulte une forme de timidité ou d’incapacité à les traiter. On a tendance à donner les clés à une firme qui s’occupe de tout lorsqu’on a un besoin, mais on finit par payer des logiciels, des licences, et l’on n’est même plus propriétaires de ses données.
Il faut veiller à ce qu’il y ait un aspect open source ou qu’il y ait un échange de données qui permette de garder la main dessus. Enfin, il faut permettre au personnel technique interne aux villes de se former, de s’améliorer, et du coup de fédérer les compétences dans un réseau territorial. Vous aurez beau avoir tous les meilleurs ingénieurs du monde, si vous n’avez pas un sens urbain, votre système tournera à vide. Les données devraient pouvoir enrichir la qualité des décisions urbaines.