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La vie privée, au cœur des enjeux de la ville numérique

Numérique

Tribune rédigée par Régis Chatellier, chargé des études prospectives à la direction des technologies et de l’innovation de la CNIL, et publiée initialement dans Smart City Mag #9.

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"Avec la généralisation de l’open data et la montée de la notion de données d’intérêt général, l’anonymisation des jeux de données et la création de nouveaux modes de gouvernance du partage de données seront centrales." © Flickr / Christian Hornick

Les projets de villes dites "intelligentes" se sont étendus à travers le globe depuis le début du siècle. On ne compte plus les articles, études, travaux de recherches sur cette thématique. Pourtant, la question des libertés individuelles fait figure de parent pauvre dans cette profusion de publications. Mais la question est pourtant centrale.


Le citoyen au centre de la cité

La protection des données personnelles et des libertés reste trop souvent présentée sous forme de disclaimer : les auteurs comme les porteurs de projet affichent leur préoccupation pour cette question « importante et essentielle », souvent sans que cela n’aille plus loin, sans proposer de solution, par exemple de privacy by design, de prise en compte des droits fondamentaux des individus dès la conception de la ville de demain.
Le citadin est souvent vu comme un problème à régler, l’aveugle qu’il conviendrait de guider, ou, au mieux, réduit à un smartphone ambulant dont les données seraient essentielles à la bonne conduite de la ville. Mais ce sont encore les individus, seuls ou organisés en communautés, qui sont les éléments au centre de la cité, ceux par et pour qui elle continue à se développer.

Régis Chatellier, chargé des études prospectives à la direction des technologies et de l’innovation de la CNIL.

Plusieurs modèles cohabitent dans cette promesse de ville "intelligente". Le premier correspond à une vision historique, centralisé autour d’un ou plusieurs opérateurs clés de voûte et englobant la collecte et l’exploitation de données liées à tous les secteurs des infrastructures publiques, des transports, de l’énergie… où les capteurs disséminés dans la ville permettraient de tout surveiller : la propreté des espaces publics, la densité de population en temps réel ou le mouvement de chaque véhicule sur le territoire. Dans un modèle plus décentralisé et contributif, les citoyens reprennent plus de place au travers d’initiatives de cartographies co-construites (par exemple Open street Map) ou de participation par le prisme du numérique (comme la remontée d’incidents avec Fix My Street) ; c’est l’approche mise en avant par les promoteurs d’une smart city humaine. Ces deux modèles fonctionnent comme des idéal-types, dans lesquels puisent de nombreuses métropoles pour constituer leur vision de la smart city.

 

Le Cheval de Troie est-il arrivé en ville ?

La ville numérique voit aujourd’hui arriver de nouveaux entrants, qui ne sont ni plus ni moins que les plateformes mondialisées de l’internet, fortes des données qu’elles ont elles-mêmes collectées, de leur capacité à opérer techniquement, et d’une adhésion populaire par les usages, qu’elles entendent s’imposer aux villes et à leurs habitants. Que ce soit SideWalkLabs (Alphabet – Google), Waze (propriété de Alphabet), Airbnb ou Uber, chacun propose déjà sans contreparties financières aux collectivités des outils de visualisation des flux (Waze Connected Citizen ou Uber Movement), voire travaille à de véritables tableaux de bord urbains (Flow pour Sidewalk labs). En offrant des services clés en main et en important leurs modèles économiques d’apparente gratuité dans l’espace urbain, ils posent la question centrale des conditions et du contrat d’accès aux services : devra-t-il être conditionné à la collecte de données personnelles ? Quelle place pour l’information et le consentement si ces nouveaux services urbains deviennent la norme ?
La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) reçoit et traite déjà de nombreux dossiers concernant les bâtiments intelligents, le mobilier urbain connecté, les compteurs communicants… Dans chacun des cas, les notions de consentement et d’information des citoyens, de pertinence de la collecte et des finalités se retrouvent. Avec la généralisation de l’open data et la montée de la notion de données d’intérêt général, l’anonymisation des jeux de données et la création de nouveaux modes de gouvernance du partage de données seront centrales. Au-delà, la smart city interroge la définition même de la ville et de son rapport aux citoyens. Dans cette ville toujours plus connectée, quelle égalité devant le service public ? Les citadins pourront-ils rester maitres de leurs données ? Pourra-t-on évoluer dans l’espace urbain sans avoir à les troquer ? Autant de questions que la CNIL explore en 2017 dans la 5ème édition de son cahier innovation et prospective, à paraître en septembre 2017.

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