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Living-lab : la smart city comme ville expérimentale

Smart city

Tribune rédigée par Félix Talvard, doctorant au Centre de Sociologie de l’Innovation (Mines ParisTech).

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« La smart city est donc avant tout une ville expérimentale, où s’inventent des futurs urbains par essai-erreur. » Félix Talvard © Flickr / Nicolas Raymond

Faut-il encore parler de smart city ? Une décennie après sa popularisation par IBM, le buzzword initialement destiné à promouvoir une offre technologique de gestion urbaine est comme usé. Ce qui frappe aujourd’hui, c’est la prolifération hétéroclite de projets d’innovation urbaine, conduits dans un nombre grandissant de métropoles (et de villes moyennes) à travers le monde. Ces initiatives concrètes, un peu vite regroupées sous le label smart city, désignent évidemment des objets très différents selon qu’il s’agisse d’infrastructures informationnelles, de planification de l’aménagement ou de nouveaux services urbains par exemple.
Par ailleurs, les projets étiquetés smart prennent place dans des sites urbains aux caractéristiques et aux histoires parfois très éloignées. Qu’y-a-t-il de commun entre la piétonisation à Paris, les tests de véhicule autonome à San Francisco et l’installation d’un téléphérique à Medellín ? Malgré des formes et des contextes radicalement différents, ces projets partagent - comme bien d’autres living labs, « bacs à sable » et autres territoires-laboratoires - un même vocabulaire : celui de l’expérimentation.


Des laboratoires urbains pour l’économie et la démocratie

Félix Talvard, doctorant au Centre de Sociologie de l’Innovation (Mines ParisTech)

Comme le savent les innovateurs urbains, rendre une ville plus « intelligente » revient rarement à brancher des solutions technologiques déjà prêtes sur un environnement stable et connu. Expérimenter pour concevoir, anticiper, calibrer, co-construire (etc.) est en effet une opération essentielle de l’urbanisme smart : PME, industriels et collectifs citoyens sont appelés à rejoindre les municipalités dans ce travail de laboratoire urbain. Il peut s’agir de tester des objets techniques (mobiliers, capteurs, applications mobiles), des mécanismes de prix (dynamiques, prédictifs, incitatifs) ou des comportements (mobilité multimodale, consommation d’énergie, interactions avec l’environnent urbain). De même, les sites expérimentaux varient : lieux circonscrits comme un véhicule autonome ou un arrêt de bus ; ouverts sur une rue, un bloc, un quartier ; lieux virtuels pour les modélisations ou simulations.
L’objectif d’une expérimentation consiste à mettre une technologie à l’épreuve : tester un prototype, paramétrer un modèle ou nourrir un programme d’intelligence artificielle par exemple. Mais on expérimente aussi pour gérer des problèmes publics : à San Francisco, l’autorité organisatrice des transports accompagne des tests de véhicule autonome pour explorer la substitution de robotaxis à la voiture individuelle, afin de décongestionner un centre-ville saturé et de réallouer de l’espace au logement. L’enjeu est enfin économique : pénétrer (ou fabriquer !) des marchés ; faire prospérer un écosystème local d’innovation ; rationaliser les achats publics, etc. Tester des technologies pour la gestion urbaine implique à la fois de représenter et de transformer la ville et ses habitant.e.s.


Repolitisons la ville intelligente !

La smart city est donc avant tout une ville expérimentale, où s’inventent des futurs urbains par essai-erreur. Mais ses laboratoires ne sont que difficilement accessibles aux publics concernés : les craintes relatives à la propriété intellectuelle, la frilosité des administrations et le manque de communication autour des expérimentations urbaines contribuent à leur relative invisibilité dans l’espace public. Pourtant, il importe plus que jamais d’être attentifs à ces sites d’innovation pour saisir l’avenir de nos villes en train de se faire – et l’opportunité d’y participer.
La smart city est une occasion politique. L’occasion de mobiliser largement autour des enjeux socioéconomiques et environnementaux d’un monde urbain au XXIème siècle ; l’occasion de démocratiser la fabrique de la ville, sans la limiter à la création de valeur pour les entreprises ou à une gestion plus efficace de ses flux. Mais pour que la ville intelligente tienne ses promesses de renouveau démocratique, il faut que nos villes ouvrent plus largement encore les portes de leurs « laboratoires » et permettent à un maximum de voix d’y être entendues pour construire et maintenir des villes inclusives, viables et vivables.

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