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Rachid Adda : « Nous construirons le plus grand réseau IoT territorial d’Europe pour en démultiplier les usages »

IoT

Près de 3000 antennes Lora doivent être déployées en Île-de-France afin de construire un vaste réseau bas-débit, souverain, sobre et solidaire. L’objectif : favoriser le passage à l’échelle des projets de territoires connectés et durables. Explications de Rachid Adda, Directeur général de VONum et du GIPC qui coordonne cette initiative publique d’envergure régionale.

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Rachid Adda, Directeur général de VONum et du GIPC qui coordonne cette initiative publique d’envergure régionale. © Jean-Michel Sicot

Quelles sont les grandes lignes de votre projet de réseau IoT francilien ?

Rachid Adda : Les objets connectés sont indispensables à la mise en œuvre de tout projet de territoire connecté, durable et de confiance. Ma conviction est que ces projets ne franchissent pas, le plus souvent, le cap du démonstrateur en raison du caractère prohibitif des coûts récurrents de connectivité. L’opacité des conditions de couverture des réseaux opérés, l’absence de portabilité de l’IoT et l’interrogation légitime sur la souveraineté des données sont aussi des freins.

 

Notre initiative publique répondra à ces problématiques pour l’Ile de France en proposant un réseau IoT, opéré en propre, basé sur la technologie LoRaWan et sous maitrise publique de bout en bout. Par exemple, son cœur de réseau, s’appuyant sur la solution Requea, est hébergé dans notre datacenter public souverain. Cette infrastructure sera sobre, souveraine et solidaire, c’est-à-dire accessible techniquement et financièrement à toutes les tailles de communes et de projets IoT. Le principe est que ce réseau doit être « partout et pour tous ! ». Sa couverture sera donc la plus large possible sur toute l’Ile-de-France grâce à près de 3000 antennes Lora.

 

Qui sont les principaux acteurs de ce projet ?

Val d’Oise Numérique avait proposé le déploiement d’un réseau LoRa francilien dès 2018 et nous avons porté cette idée pour l’intégrer dans le Contrat de Plan Etat Région. La région Île-de-France nous a rapidement soutenus et nous a demandé d’ouvrir à plusieurs syndicats franciliens pour déployer un réseau régional. C’est ce que nous avons fait pour porter cette infrastructure-socle au sein d’un vaste consortium dans le cadre de l’Appel à projets PIA 4.

 

Nous n’avons malheureusement pas été retenus ; ce qui nous a fait perdre deux ans sur notre calendrier. L’État n’a pas été à la hauteur de l’ambition francilienne qui cochait pourtant toutes les cases du cahier des charges, notamment par sa réplicabilité et son industrialisation à une échelle inédite. Grâce au soutien jamais démenti de la Région Ile de France, Val d’Oise numérique, Essonne Numérique et Seine-et-Marne Numérique, ont pu poursuivre leur démarche partenariale de mutualisation en s’appuyant sur le GIE d’Infogérance Publique Communautaire (GIPC). Et nous devrions y accueillir d’autres acteurs, je l’espère, dont le SIPPEREC et Seine-et-Yvelines Numérique, présents à nos côtés pour notre candidature PIA4.

 

Où en sont les déploiements et comment sont-ils financés ?

A l’issue d’une procédure de marché au titre de notre Centrale d’achat, nous avons retenu les sociétés Sogetrel et Ocea pour déployer ce projet. Essonne Numérique et Val d’Oise Numérique déploieront ainsi progressivement les premiers jalons de ce réseau francilien durant l’année 2024-2025. La couverture régionale complète est prévue au plus tard pour fin 2026 ou mi 2027. Le réseau garantira by design une complétude outdoor, une couverture indoor des bâtiments stratégiques et 100 % deep-indoor des bâtiments de nos membres ou co-financeurs, dont les collèges et les lycées.

 

Côté financement, la région Ile de France apporte 50 % via le CPER (Contrat de Plan Etat-Région) et 50 % sont apportés par les Syndicats (autofinancement) et leurs Départements si nous n’obtenons pas d’autres types de financements (Fond Vert). Pour le Val d’Oise, où nous déployons environs 400 antennes, le budget d’investissement est estimé à 3,8 millions d’euros.

 

Quel sera le mode de commercialisation de ce réseau ?

Chaque syndicat décidera de son mode de commercialisation et de ses tarifs sur son territoire de compétence. Mais il y aura une cohérence pour pouvoir adresser les acteurs publics d’envergure régionale avec une tarification partagée et une commercialisation transparente portée par le GIPC dont les syndicats concernés sont membres fondateurs. Le principe est de proposer aux collectivités, aux syndicats métiers et aux délégataires de service public (eau, éclairage public, chauffage urbain, ordures ménagères…) un tarif attractif lié au cout réel de déploiement et d’exploitation du réseau et non déterminé par une quelconque rente de situation. Nous espérons notamment atteindre des prix deux à trois fois inférieurs à ceux des réseaux LoRa opérés verticalement.

 

Pourquoi avoir choisi la technologie Lora et pour quels usages ?

A l’instar des transports publics, nous concevons les réseaux de communication avec une approche multimodale : notre credo est« à chaque usage, sa connectivité ! ». Mais la majeure partie du réseau sera en LoRaWan, qui est une technologie plus simple, plus sobre, plus ouverte, plus riche en usages, plus accessible financièrement que d’autres technologies hertziennes. Et, surtout, la techno LoRaWan permet de créer simplement des réseaux opérés en propre, donc des infrastructures souveraines et indépendantes des opérateurs privés, à l’instar de ce que nous avons fait avec nos boucles locales optiques dédiées.

 

Côté usages, nous en avons identifié plus d’une douzaine, dont l’éclairage connecté, l’optimisation de la consommation de fluides des bâtiments (décret tertiaire), le stationnement, la mobilité, la sécurité, la qualité de l’air et le cadre de vie… De manière générale, les usages de l’IoT, sont connus et testés depuis assez longtemps. En revanche, nous constatons que les collectivités françaises peinent à industrialiser leur projet IoT, alors que l’intérêt des capteurs connectés, notamment pour la gestion des bâtiments, est avéré. Pourquoi ? Car il n’y a pas d’offre de connectivité accessible simplement à un cout acceptable pour couvrir l’ensemble des besoins d’un territoire… ce qui nuit à la promesse de ROI [retour sur investissement] du territoire intelligent et durable.


Cela a été d’ailleurs documenté par le pilote que nous avons réalisé en 2022. Nous avions déployé une vingtaine d’antennes pour garantir la complétude outdoor et indoor sur quatre communes. Près de 2000 capteurs ont été installés et une dizaine de cas d’usage ont pu être déployés dans la foulée. Cela a permis de mettre en œuvre très rapidement des projets qui restaient à l’état d’hypothèse faute d’offre de connectivité transparente, techniquement agnostique et non-discriminatoire du point de vue tarifaire.

 

Ce réseau IoT profitera-t-il de votre data center public mutualisé ?

Oui. Notre principe est de proposer des solutions souveraines de bout en bout. Les données transiteront via nos réseaux optiques et seront stockées dans notre data center public mutualisé qui connaît un franc succès depuis son ouverture en 2020.Le GIPC continue d’avoir de nouveaux adhérents, notamment des communes qui cherchent une alternative à l’auto-hébergement dans leur salle blanche ou à l’externalisation dans des datacenters privés. L’objectif du GIPC reste de garantir un environnement ISO 27001-HDS, souverain et sécurisé, pour un hébergement énergétiquement efficient et financièrement maitrisé.

 

Une dizaine de nouvelles collectivités et des acteurs ESRI importants comme l’Inria ou l’ENPC sont en train de rejoindre la trentaine d’acteurs publics déjà hébergée. Et même certaines grandes administrations de l’État intègrent désormais cette démarche territoriale de mutualisation inédite en France à une telle échelle. Les sirènes qui ont tenté d’envouter les DSI de leur chant « Cloud au centre » semble s’éloigner… Là aussi la persévérance et la force de nos convictions ont su convaincre quant aux vertus de la mutualisation à une échelle territoriale pertinente : le département ou la région.

 

Cette interview est un extrait du numéro 59 de Smart City Mag, incluant le dossier : « IoT- réseaux-platesformes : enfin le décollage des projets de territoires connectés et durables ? ». Sur le même sujet, Smart City Mag organise les 26 et 27 mars, avec la Banque des Territoires et la FNCCR, l’évènement : « Rex territoires connectés et durables », deux demi-journées consacrées aux retours d’expériences de collectivités en matière d’IoT, réseaux et data. Inscription réservée aux collectivités en cliquant sur ce lien.

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