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L’intelligence ne doit pas tuer la ville

Smart city

Tribune rédigée par Alain Bourdin, sociologue et urbaniste au Lab’urba (École d’urbanisme de Paris-Université de Paris-Est), et directeur de la Revue Internationale d’Urbanisme. Publiée dans le mensuel n°6 de Smart City Mag.

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"La ville forme un ensemble de systèmes qui appartiennent à des niveaux très différents (technique, économique, social, spatial) et dont les liens sont problématiques". © Creative Commons

Les mots sont parfois des catastrophes. On oublie qu’intelligente « traduit » l’acronyme SMART (pour Specific, Measurable, Acceptable and ambitious, Relevant, Time-bound) et la ville intelligente s’oppose implicitement à la ville stupide dans laquelle nous vivrions encore. Ailleurs on parlera de ville digitale et c’est beaucoup mieux.

Les villes ont toujours cherché à être intelligentes, en organisant leur développement et leur fonctionnement : faut-il continuer à jouer sur les mots en évoquant le Génie Urbain ? Mais, dans la période récente, elles étaient de moins en moins des villes : leur unité fonctionnelle, sociale, économique, spatiale se dissolvait dans les effets de l’évolution des moyens de transport, de la mondialisation de l’économie et des cultures, de l’avènement de sociétés d’individus. Le Grand Paris et le Grand Marseille, et bien plus Los Angeles ou Tokyo sont devenus des réseaux complexes de villes centrales et périphériques qui peinent à former un système cohérent. L’enjeu est donc d’abord de les organiser et de les faire fonctionner à la bonne échelle et avec cohérence. Les datas peuvent y contribuer mais ne donnent pas de solutions toutes faites.

 

Une promotion stratégique de la ville intelligente

Alain Bourdin, sociologue et urbaniste au Lab’urba (École d’urbanisme de Paris-Université de Paris-Est), directeur de la Revue Internationale d’Urbanisme.

Si l’on y regarde de plus près, les technologies de l’information et les dispositifs qu’elles permettent de créer augmentent l’autorégulation, c’est à dire le fait qu’un système puisse lui même retrouver son équilibre en fonction des aléas ou sollicitations dont il est l’objet. C’est vrai dans la gestion des pics de consommation électrique comme dans celle du stationnement et dans bien d’autres domaines. Les moyens de l’autorégulation n’excluent pas la présence d’un régulateur-décideur, même s’ils modifient son rôle en le chargeant de la responsabilité des décisions au plus fort contenu éthique ou idéologique (qui sacrifie-t-on…). Mais ce sont des systèmes qui s’autorégulent (distribution d’énergie, déplacements...) alors que la ville forme un ensemble de systèmes qui appartiennent à des niveaux très différents (technique, économique, social, spatial) et dont les liens sont problématiques. Comment les relier, les faire interagir, constituer un système de système ? Et d’abord le faut-il ? Certes, on voit très bien tout ce que l’on peut gagner en rationalisation des ressources et –peut être- en qualité de la vie en aboutissant à un tel résultat. Mais, d’un autre coté, on admet que l’innovation et la créativité se trouvent au cœur de la dynamique des villes qui réussissent et la sérendipité, c’est à dire la capacité de créer de la valeur avec l’imprévu, apparaît alors comme une vertu essentielle. Il ne faut pas que l’intelligence nuise à l’innovation et à la créativité : avec une multitude de capteurs et d’objets connectés fournissant en permanence une masse d’informations, l’autorégulation peut dériver vers des formes de paralysie. La promotion de la ville intelligente doit donc être stratégique : je n’ajoute pas toujours plus de dispositifs, mais je choisis ceux qui vont permettre d’optimiser la ville sans perdre son dynamisme, c’est à dire suffisamment d’imprévisibilité et de caractère contradictoire.

 

L'information, aussi importante que les datas

On voit bien alors en quoi l’enjeu est celui des datas, des algorithmes, de leur contrôle et de leur utilisation. Mais on ne doit pas en oublier l’information qui ne vient pas des capteurs ou des objets connectés, mais des gens, des groupes, des institutions. Elle circule toute seule par les réseaux sociaux, pour le meilleur et pour le pire. Pourtant les plateformes (comme sur les grands campus américains) qui permettent aux habitants comme aux usagers de passage ou aux arrivant d’avoir accès – dans de bonnes conditions- à toutes sortes d’informations en temps réel sur la ville, ce qui s’y passe, les initiatives, les offres de collaboration sont tout aussi importantes que les dispositifs d’autorégulation et les réseaux pour développer l’intelligence collective et la ville intelligente.

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