LE MAGAZINE DES VILLES ET DES TERRITOIRES CONNECTÉS ET DURABLES

« Puisque ces mystères nous dépassent, feignons de les organiser »*

Smart city

Tribune rédigée par Richard Toper et Cécile Henry de Setics.

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« Il est amusant de se rendre compte à quel point nous passons de temps à définir et décortiquer la dénomination « smart city ». Comme pour nous convaincre nous-même de son existence. » Richard Toper et Cécile Henry, Setics.

"Googlelisons" l’expression "smart city" : en première page, nous retrouvons aussi bien la notion de "Ville intelligente" par Wikipédia que « Smart city : les clés de la ville intelligente » ou encore « C'est quoi la smart city : une introduction compréhensible ». La majorité des articles et sites Internet référencés visent à expliquer ce concept et à prouver son existence. Il est amusant de se rendre compte à quel point nous passons de temps à définir et décortiquer la dénomination "smart city". Comme pour nous convaincre nous-même de son existence.

Richard Toper

Longtemps présenté comme un fantasme et un pur produit de l’imaginaire d’IBM, le concept de smart city sert en pratique à désigner les transformations profondes des espaces urbains sous l’impact du numérique. Le numérique est lui-même un mot générique, utile pour mettre dans un même panier les outils, les pratiques, les usages et les services en lien avec les technologiques informatiques et la dématérialisation des services… ou même « simplement » la construction de réseaux en fibre optique. Le concept de smart city en devient, pour de nombreuses collectivités, un moyen "totem" d’appropriation de transformations numériques vues comme insaisissables.
Au sein de ce monde des idées, la collectivité locale (villes, communauté urbaine, métropole…) serait appelée à devenir le chef d’orchestre d’évolutions disruptives et innovantes. La priorité est donnée aux dispositifs ciblés, accompagnant principalement le modèle d’innovation start-up. Ainsi que l’explique Thierry Marcou, directeur du programme Sujets urbains à la Fondation Internet Nouvelle génération (FING), « la solution est le plus souvent dans les mains de la start-up et de son écosystème, la plupart du temps basée sur l’usage de données, y compris personnelles, échangées contre un service, une promesse de personnalisation, et parfois de la publicité. Or, tous les projets n’ont pourtant pas vocation à se transformer en services commerciaux, ni à devenir des services. »

 

La ville, prise entre acteurs publics et privés

Pour sa part, la « ville numérique réelle » (selon Mathieu Saujot, directeur du programme transitions numériques et écologiques à l’Iddri) se déploie bien souvent sans schéma ou plan directeur, bien loin de ce modèle idéal d’une action publique ciblée, à la fois lucide et stratège. D’une part, de nombreux décideurs politiques ignorent encore les enjeux et réalités liés aux évolutions numériques. D’autre part les acteurs urbains et les grandes plateformes mondiales se développent et superposent leurs initiatives de manière indépendante, avec ou sans appui des pouvoirs publics. Parfois même contre leur avis.

Cécile Henry

Ces acteurs transforment la ville au point de toucher jusqu’aux domaines traditionnellement réservés à l’action publique, tout en la déstabilisant fortement. Uber investit les transports, Airbnb influence lourdement les logements, Google se tourne vers la santé, Wikipédia impacte l’éducation… Le territoire subit dès lors de nombreux biais, car les initiatives privées ne se voient pas imposer les objectifs d’équité et de protection du citoyen portés par l’action publique.
Les villes sont en pleine découverte de cette distorsion ; pour leur part, les espaces ruraux (communautés d’agglomération, communautés de communes) n’intéressent encore que très peu l’action privée. Les villes doivent donc apprendre par l’erreur et à marche forcée ; les espaces ruraux ont pour leur part une belle opportunité : partir de l’exemple des espaces urbains pour réfléchir avec un temps d’avance – par rapport à leurs propres évolutions – aux imbrications à venir entre initiative publique et initiative privée sur leurs territoires.
La smart city ne se fera donc pas partout de la même manière ; chaque territoire développera sa propre façon d’aborder les enjeux du numérique. Il est indispensable aujourd’hui que les acteurs des territoires, élus et fonctionnaires des services, s’emparent de ce sujet pour s’informer et agir dans l’intérêt général.

 

* Jean Cocteau , Les Mariés de la Tour Eiffel (1928)

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