LE MAGAZINE DES VILLES ET DES TERRITOIRES CONNECTÉS ET DURABLES

Sobriété énergétique : le plan du gouvernement pour baisser la consommation

Sobriété énergétique

Réduire de 10 % la consommation énergétique du pays en deux ans, tel est l’objectif himalayesque du gouvernement, qui a mobilisé pas moins de neuf ministres (1), le 6 septembre dernier pour présenter le projet et donner leur feuille de route aux parties prenantes. Les collectivités territoriales sont bien sûr mises à contribution, mais avec un plan d’action qui relève davantage des mesures de bon sens, pour certaines déjà existantes, que d'une ambition digne des enjeux.

Rimg0
De gauche à droite : François Rebsamen, Olivier Richefou, Marie-Claude Jarreau, Christophe Béchu, l'animatrice, Marianne Laigneau et Jean Rottner. crédit AG

Le lieu choisi pour la présentation – le parc des expositions de la Porte de Versailles - est plus souvent associé aux salons et autres foires commerciales qu’aux ors de la République, mais le choix était sans doute dicté par la contrainte de trouver au pied levé dans Paris un lieu facilement accessible et suffisamment grand pour accueillir des centaines de personnes.
Quant à l’abondance inédite de ministres, elle se voulait garante du portage politique fort du projet, et utile pour faire passer un message clair à tout le monde : chacun doit faire sa part. Ministères, administrations centrales, collectivités territoriales, entreprises, acteurs du sport, du BTP et du transport ; quelque 25 interlocuteurs se sont succédés tout au long de l’après-midi, avec Agnès Panier-Runacher, ministre de la Transition Énergétique, comme maître de cérémonie.
Deux objectifs communs à tous les secteurs concernés par le plan : consommer moins d’énergie dans les bâtiments et construire une mobilité plus sobre, plus économe pour tous.

Agnès Panier-Runacher, ministre de la Transition Énergétique

« L’Etat et ses opérateurs consomment 20 TWh d’énergie par an, a expliqué Stanislas Guerini, ministre de la Transformation et de la Fonction publique, nous allons multiplier par 5 les efforts de réduction de la consommation, ». L’immobilier représentant 60 % de l’énergie consommée, il sera le premier poste ciblé, avec la volonté de faire fonctionner ce plan « sur la jambe du court terme et [sur celle] du long terme », tout en s’insérant dans la stratégie bas carbone de l’Etat et sans agir « au détriment des agents publics ».
Le plan pour les services de l’Etat comporte une trentaine de mesures, réparties dans quatre champs (2). Parmi ces mesures, les bâtiments publics seront chauffés à 19° en journée - soit une baisse de 3 à 4° par rapport à ce qui était réellement pratiqué -, et à 16° la nuit. Lorsque le bâtiment est fermé plus de trois jours, on baisse à 8°. Régime fraîcheur aussi dans les sanitaires, dont l’eau chaude sera coupée (sauf dans les crèches et les hôpitaux). En déplacement professionnel, les agents de l’Etat seront priés à ne pas dépasser pas les 110 km/h sur autoroute.
Par ailleurs, une « task force » de 110 techniciens pourra venir en aide aux services de l’Etat partout en France pour les aider à la mise en œuvre de cette politique.

 

Les collectivités en première ligne

Pour les collectivités territoriales, les bâtiments sont également la première priorité d’action. Une primauté s’explique : « 30 % des bâtiments tertiaires sont publics, rappelle Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. On arrive à ce chiffre en additionnant les 100 millions de m2 de l’Etat aux 300 millions de m2 qui appartiennent aux collectivités locales ». Le chantier est donc immense, non seulement pour les deux années qui viennent, mais aussi pour les objectifs français et européens des années à venir (décret tertiaire, Fit for 55 %...).
Or, au regard des enjeux et des objectifs affichés, la dizaine d’actions proposées aux collectivités par l’association des Maires de France et intercommunalités de France, applicables « dès maintenant et efficaces dès cet hiver » tiennent davantage de la gestion de bon sens d’un « bon maire de village » que de l’élan d’un « plan Marshall » de l’énergie. Il y est question :

1 - d’identifier et cibler les bâtiments inefficaces (à partir de factures et d’estimations),
2 - de former et informer les agents et d’un nommer un référent sobriété par service
3 - de vérifier les systèmes de régulation de chauffage
4 - respecter le code de l’énergie et réguler à 19 °C les bâtiments occupés
5 - éteindre l’éclairage public de 23 h à 5 h 30 sauf sur les axes principaux
6 - former les agents a l’éco-conduite et limiter la vitesse maximale de conduite
7 - couper l’eau chaude dans tous les bâtiments (hors établissements scolaires et santé)
8 - réduire la saison de chauffe des bâtiments des vacances de Toussaint à Pâques
9 - interdire l’usage d’équipements électriques (tels que chauffage d’appoint ou sèche-mains)
10 - éteindre l’éclairage des monuments et des façades,

Certaines de ces mesures sont liées au rappel ou au prolongement de dispositifs déjà existants, comme le programme Actee2 (110 M€ pour inciter les collectivités à la rénovation énergétique de leurs bâtiments). Le prolongement du programme, qui sera doté de 220 M€, permettra aux collectivités de bâtir des projets sur l’éclairage public (Lum’actee) ou sur la rénovation des piscines (Act’eau). Pour sa part, le Fonds Vert, annoncé fin août, et doté de 1,5 Mds d'euros, contribuera également à accompagner les collectivités dans leur transition écologique, en finançant par exemple le passage à l’éclairage LED ou des projets liés à la mobilité.

 

Dijon, Montceau-les-Mines, la récompense de l’anticipation

Sur cette séquence « collectivités » de la présentation du plan de Sobriété Numérique, quelques « bons élèves » avaient été convoqués autour de Christophe Béchu pour témoigner de leurs bonnes pratiques et de leur avance en matière de transition énergétique.

« Nous avons anticipé [sur la situation] en mettant en place des contrats de performance énergétique dans le domaine de l’éclairage public et du chauffage, explique Marie-Claude Jarreau, Maire de Montceau-les-Mines. Nous avons anticipé sur la rénovation des bâtiments publics comme sur la construction de nos écoles, qui sont des bâtiments basse consommation ». Pour autant, poursuit l’édile, cela ne suffit pas. Les bases nautiques, les salles de spectacle et les lieux culturels verront également la température de leur chauffage baisser.

Pour François Rebsamen, maire de Dijon et président de la Métropole, la sobriété énergétique fait partie d’une lutte contre le réchauffement climatique initiée de longue date par les collectivités territoriales. « Par souci d’indépendance énergétique, nous avons mis en place des outils qui nous permettent de faire d’énormes économies d’énergie avant même les efforts qui nous sont demandés aujourd’hui », explique l’élu. Grâce à une grosse unité de valorisation énergétique des déchets installée sur son territoire, la métropole produit de l’électricité pour son réseau de tramways et revend même de l’électricité.
L’éclairage public, un des moteurs du projet « smart » de Dijon, a également généré des économies considérables. La métropole passe chaque année en LED 6000 de ses 36 000 points lumineux. Et cet éclairage piloté permet d’aller encore plus loin dans les économies. « Au bout, nous économisons 10 GWh, ce qui représentera pour Dijon 10 millions d’euros ». « En 2022, poursuit F. Rebsamen, nous aurons réalisé en tout 25 GWh d’économies d’énergie et en 2023, nous atteindrons les 32 GWh. Cela fait des millions d’euros économisés pour la collectivité et des dizaines de millions d’euros pour notre pays. Demain, nous allons produire de l’hydrogène vert pour alimenter notre réseau de bus et les bennes d’ordures ménagères ».


La Mayenne et la région Grand Est en transition à marche forcée

Également présent pour témoigner, le président du Conseil Départemental de Mayenne, Olivier Richefou, a rappelé que sa collectivité, très engagée sur ces sujets, a déjà vote deux budgets verts et qu’elle veut être le premier département à atteindre la neutralité carbone en 2040 plutôt qu’en 2050. Pour ce qui est de la production d’énergie, ce département rural est engagé dans la méthanisation. Par ailleurs, poursuit l’élu, « 25 % de notre parc de véhicules est électriques et nous développons l’autopartage. Parmi les 53 mesures (pour le chiffre du département de la Mayenne), nous avons décidé par exemple de ne brancher sur secteur les ordinateurs portables qu’entre 15 h et 17 h, ou encore de commencer à baisser la température des bâtiments avant le week-end ».

Le président de la Région Grand Est, Jean Rottner, a pour sa part rappelé que 30 % de l’énergie produite dans sa région est renouvelable, mais qu’il veut aller plus loin « dans une sobriété qui ne soit pas de la contrainte ». En 2024, la région aura finalisé un plan d’investissement de 450 M€ pour déployer 1,5 millions de m2 de panneaux photovoltaïques. Et tous les bus du territoire roulent maintenant au bio éthanol. « Ce que nous avons investi, nous le gagnons en économies d’énergie ».

« Notre projet tient en trois points, conclut Christophe Béchu : on évite de gaspiller, on produit localement de l’énergie renouvelable et on utilise le nucléaire pour pallier l’intermittence des EnR. Les collectivités ont un rôle clé non seulement pour la sobriété, mais aussi pour la production d’énergie ».
Un rôle qu’elles ont été pour le moment assez peu nombreuses à endosser…


(1) Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition Énergétique, Stanislas Guerini, ministre de la Transformation et de la Fonction publique, d’Olivier Dussopt, ministre du Travail, du Plein Emploi et de l’Insertion, Olivia Gregoire, ministre déléguée chargée des Petites et Moyennes entreprises, Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, Olivier Klein, ministre délégué au Logement, Clément Beaune, ministre délégué aux transports, Amélie Oudea-Castera, ministre des Sports et des Jeux Olympiques et Paralympiques et Elisabeth Borne, première ministre.

 

(2) une meilleure gestion des bâtiments de l’état, accompagner la transition dans les mobilités, réduire les consommations de l’état liées au numérique et agir grâce à la commande publique

Le magazine
Contact annonceurs

Christine Doussot, directrice de clientèle
christine.doussot@smartcitymag.fr
Tél. + 33 7 69 21 82 45

RECEVOIR LA NEWSLETTER
Agenda
Les Ateliers du Smart Cities Tour de Noisy-le-Grand
Le 23 mai 2024
Salon de l'Association des Maires de France (AMIF)
Du 28 au 29 mai 2024