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"Chronique impatiente de la mobilité quotidienne", le nouvel ouvrage d'Olivier Razemon

Mobilité
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Olivier Razemon, auteur de "Chronique impatiente de la mobilité quotidienne" © Maxime Massole
Les élus devraient prendre plus souvent les transports publics

Les élus qui déplorent la fermeture des gares ne pourraient-ils pas prendre le train de temps en temps? La question est lancée par Olivier Razemon, expert en transports. Dans son dernier livre, il dresse un portrait sans concessions de la mobilité du quotidien. Interview.

Pourquoi les maires qui défendent les lignes de chemin de fer ne prennent-ils jamais le train ? Est-il vrai qu’on ne peut plus se garer dans les centres-villes ? Pourquoi les feuilles mortes empêchent les trains d’avancer ? Comment expliquer la défaillance d’Autolib’ ? Depuis 2012, Olivier Razemon s’interroge sur les développements, ratés comme réussis, de la mobilité quotidienne sur son blog "L’interconnexion n’est plus assurée", hébergé par le journal Le Monde.
Ce journaliste spécialisé dans le domaine des transports, publie aujourd’hui un recueil de ses billets de blog, réunis dans un ouvrage intitulé "Chronique impatiente de la mobilité quotidienne"*. Sur un ton souvent décalé, parfois même "abrasif", il y partage ses observations sur l’évolution des modes de transports, mais aussi l’aménagement et l’organisation de l’espace urbain. A l’occasion de la parution de ce livre, Smart City Mag lui a demandé ce qu’il pensait de la mobilité dans la smart city.


Vous évoquez dans votre livre plusieurs sujets liés à la thématique smart city : le véhicule autonome (loin d’être totalement fonctionnel), les parkings (pas toujours intelligents), l’information-voyageur sur smartphone (à laquelle tous les voyageurs n’ont pas accès), etc. Pourtant vous n’utilisez jamais le terme de "smart city". Est-ce volontaire ? Le concept vous paraît-il encore trop flou ou du moins n’intégrant pas assez la question des mobilités ?
Ce n’est pas volontaire. J’ai simplement pour habitude de ne pas utiliser de termes dont je ne connais pas proprement le sens. Il y a de nombreuses expressions qui, selon-moi, restent insuffisamment définies, comme "smart city", mais aussi "écomobilité" ou "mobilité durable". Si l’on veut parler de la ville connectée, alors parlons de la ville connectée.
Et puis il y a ce vocable "intelligent" qui est mis un peu à toutes les sauces. Il y a la ville intelligente, la voiture intelligente, la route intelligente, les livraisons intelligentes… Je ne sais pas vraiment ce que cela veut dire. J’ai récemment publié un billet sur mon blog concernant les "trottoirs intelligents", dont le principe est de produire de l’électricité grâce aux pas des piétons. Avant de penser à ce type de solution, il faudrait déjà que les trottoirs soient mieux pensés pour les piétons, avec par exemple des élargissements quand cela est nécessaire afin qu’il y ait une continuité d’itinéraire, sans obstacles. Ce type de "confort" est de nature à favoriser le développement de la marche à pied en ville, bien plus que des dalles électroniques qui allument des lampadaires. C’est l’usage que l’on fait des outils qui peuvent les rendre "intelligents" et non les outils eux-mêmes.


Quelles sont justement les innovations dans la mobilité qui vous paraissent les plus intéressantes ? Et celles qui semblent plutôt relever du gadget ?
Tout d’abord je pense qu’il faut expérimenter. Donc initialement, il n’a pas de bonnes ou de mauvaises solutions. Il faut les tester. Ce qui est plus critiquable, c’est de s’emballer pour des technologies, avant même de savoir à quels usages elles correspondent. Comme je l’évoque dans le livre, les navettes autonomes de transport public sont, par exemple, encore loin d’être parfaitement fonctionnelles. Il y a quelques années, on nous disait pourtant que ce serait pour demain. Après les premiers tests, l’horizon s’est considérablement éloigné. Il faut donc rester prudent face aux promesses technologiques.
Il y a aussi les solutions qui passent à côté des enjeux. L’autopartage à la "Autolib’", où l’on peut emprunter et laisser son véhicule n’importe où (principe dit de la "trace directe", ndlr) ne sert pas, à mon sens, l’intérêt collectif. Des études ont montré qu’Autolib’ était largement utilisé par des CSP + afin de réaliser des trajets à l’intérieur de Paris, où la majorité des habitants n’ont déjà plus de voiture. Cela ne résout en rien la problématique de la place de l’automobile en zone urbaine.
Je pense que les solutions les plus intéressantes sont celles qui ont été pensées en termes d’usages et non uniquement de technologie. Autolib’ aura moins servi à réduire la place de la voiture individuelle à Paris, qu’à faire la promotion des batteries du groupe Bolloré. L’industriel ne s’en était d’ailleurs pas caché et l’avait bien présenté, dès le début, comme une vitrine technologique.


Comment imaginez-vous la mobilité dans une ville intelligente idéale ? Et a contrario, quel serait le pire scénario pour le développement de la mobilité dans la smart city ?
Même principe : il faut partir des usages. Ne pas faire de la mobilité pour faire de la mobilité, de l’innovation pour de l’innovation. Idéalement, chaque trajet devrait mobiliser le mode de transport qui lui est le mieux adapté : la marche pour moins de 500 mètres, le vélo jusqu’à 5 km, les transports publics pour les longs trajets récurrents, la voiture là où il n’existe pas d’autre solution. On en est loin.
Pour aboutir à ceci, il est incontournable de disposer des données d’usage. Ces données peuvent être collectées par des enquêtes physiques ou par des outils numériques. J’invite également les élus à prendre plus régulièrement les transports publics. C’est souvent très riche d’enseignements ! Mon livre est ainsi largement basé sur de simples observations du quotidien.
C’est grâce à l’information terrain que l’on pourra prendre des décisions intelligentes et développer la mobilité de manière efficace. Il faut arrêter de penser à la place des voyageurs. D’imaginer qu’il faut développer tel mode à tel endroit, d’imaginer que tout le monde possède un smartphone et peut l’utiliser pour de l’information voyageur, d’imaginer que les citoyens sont toujours rationnels et vont se comporter de telle ou telle façon… Arrêter d’"imaginer" et baser les projets de mobilité sur des informations concrètes, c’est déjà un pas vers ce que vous appelez la "smart city".


* "Chronique impatiente de la mobilité quotidienne", par Olivier Razemon, 223 pages, édition Rue de l’échiquier, janvier 2019.

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Christine Doussot, directrice de clientèle
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