Pierre Bordeaux, maître de conférences associé à l’UPEC, responsable de la filière AIPT et président d'APEX International

Les défis humains, environnementaux, économiques immédiats pour lesquels les villes et les territoires sont mobilisés les amènent à faire encore plus d'efforts pour optimiser la gestion de leurs ressources, offrir les services indispensables à la vie au quotidien, et dégager de nouvelles marges de manœuvre financières. Dans un environnement contraint, devant s'adapter à une urbanisation exponentielle et des urgences environnementales, les villes et les territoires ont-elles encore le choix de ne pas recourir à des démarches de smart cities ? En tout état de cause, certaines précautions s'imposent autant qu'elles forment des recommandations déterminantes et opératoires, et ce fut l'objet d'une partie du Petit Guide pratique pour comprendre et réussir sa Smart city, quel que soit sa ville et son territoire, que nous avons diffusé dans le cadre de nos travaux de formation et de recherche à l'université Paris-Est Créteil, et dont nous exprimons ici l'essentiel.

Une démarche pragmatique

Obtenir des résultats immédiats et produire des effets leviers sont les deux

obligations incontournables pour toute démarche smart city. Les smart cities véhiculent l’idée de réduction des coûts, d’optimisation des ressources et de mise en place de nouveaux services mais aussi de création nouvelles valeurs économiques du fait qu’elles utilisent les larges possibilités qu’offrent les technologies de l’information et de la communication (TIC) en matière de gestion et d’interactions entre des systèmes et des réseaux. Aussi pour une ville et un territoire, le recours à une démarche "ville intelligente" nécessite de s’inscrire dans un questionnement autour de la manière d’utiliser les TIC et l’innovation de pointe pour concrètement et rapidement : réduire ses coûts de gestion et ainsi dégager de nouvelles marges de manœuvre ; piloter de manière plus globale les différentes ressources, infrastructures et services mis à disposition de ses habitants et usagers, faire en sorte que les habitants, usagers, acteurs socio-économiques de la ville et du territoire puissent accéder aux fonctionnalités offertes par les TIC dans la vie au quotidien, l’emploi, la culture où les loisirs...
En d’autres termes, la mise en place d’une démarche smart city est consubstantielle d'une recherche de nouvelles marges de manœuvre immédiates et d’un effet levier certain pour les autres services ou actions de la ville et du territoire, ce qui sous-entend évidemment de la concevoir en lien avec le tissu socioéconomique et organisationnel local.

Vision stratégique de sa ville et de son territoire

Dès lors, le choix des actions à mettre en œuvre tourne autour de trois objectifs : réduire les coûts de gestion et dégager de nouvelles marges de manœuvre, définir une temporalité pour disposer d’un retour tangible, déterminer comment informer et associer le tissu local à sa démarche. À cela s'ajoute la connaissance du niveau de ressources humaines, techniques et financières disponibles et mobilisables pour le projet, qui est à préciser avant de sélectionner le ou les secteurs d'intervention.
Les smart cities n’échappent pas aux règles fondamentales de la conduite de projet, d'autant que l'on continue à observer que 75% des projets de conduite de changement s’avèrent être des échecs avec une situation finale beaucoup plus dégradée qu’elle ne l’était à son l’origine. Aussi, toute implémentation d'une démarche smart city a l’avantage de rependre à son compte les considérations propres à toute conduite de projets, et ce, plus particulièrement lorsque la nature et la réussite du projet se confond à ce point avec une obligation de résultats et non pas seulement de moyens.
Cependant, il nous apparaît indispensable de rappeler que c'est aussi dans l'aptitude à créer un lien de confiance que réside la faculté de réussir un projet, et à plus forte raison dans le cadre d'une démarche de smart city où la complexité pratique et la dimension anxiogène propres au recours aux nouvelles technologies restent des inhibiteurs et des freins à l'engagement.